Nantes, Belle et Rebelle


Depuis la présentation du projet de loi travail de la Ministre Myriam El Khomri au Conseil des Ministres fin mars 2016, la France a été le théâtre de manifestations à répétition dans une atmosphère tendue. Retour en images sur trois mois de mouvement social particulièrement violents à Nantes. Article co-rédigé par Jean-Félix Fayolle et Jérémie Lusseau, Photographes. (2016)
Nantes a été, au même titre que Paris et Rennes, l’un des foyers de la mobilisation contre la «Loi Travail». Ville historiquement ancrée à gauche, de tradition ouvrière et à forte population étudiante, les manifestations s’y sont enchaînées pendant plusieurs mois, parfois au rythme de deux par semaine. Habitant sur place et intéressés par ce mouvement social d’une ampleur que nous n’avions que rarement rencontrée, nous avons tenté de documenter cette période de mobilisation, non sans mal parfois.
Pourtant habitués en tant que photographes à devoir adapter notre posture aux évènements et personnes que nous photographions, nous avons parfois eu l’impression d’être pris entre deux feux. D’un côté, les forces de l’ordre considérant le plus souvent les journalistes et personnes qui produisent des images au sens large comme des voyeurs encombrants. De l’autre, certains manifestants clairement hostiles à tous ceux qu’ils considèrent comme journalistes, traîtres au service d’une propagande relayée par les médias et utilisée par la police pour identifier les fauteurs de troubles. Nous avons largement été pris à partie et menacés par les deux camps dans une ambiance proche de la guérilla urbaine.
Dès la fin du mois de mars, la mobilisation était massive. Les manifestations qui dégénèrent sont devenues monnaie courante. Chacune d’entre elles donnait systématiquement lieu à de nombreux échanges de projectiles, de gaz lacrymogènes, de tirs de flashball, ayant pour conséquence des blessés dans les deux camps, de très nombreuses dégradations de biens publics et privés, des interpellations, gardes à vue et comparutions immédiates. Plusieurs manifestations dans le centre-ville ont été interdites par le Préfet avec le déploiement d’un dispositif sécuritaire disproportionné (hélicoptère, murs mobiles, canons à eau, gazage intensif…) et des arrestations quasi-systématiques.
Présents à ces manifestations de manière régulière, nous avons parfois ressenti un malaise. Témoins de violences répétées, gratuites et intenses dans les deux camps, il nous est arrivé de remettre en question notre présence à ces évènements dans lesquels nous nous exposions à des risques pour nous mêmes et pour notre matériel. Nous avons essayé de garder une objectivité sur le traitement que nous faisions des faits, mais nous étions en permanence en train de nous questionner sur le sens de notre présence, entourés de photographes professionnels et amateurs de plus en plus nombreux à chaque manifestation.
Nous avons tout de même souhaité couvrir l’intégralité de ce mouvement qui nous semble à plusieurs égards historique : par l’ampleur des mobilisations, leur intensité et la volonté de rompre avec un système périmé.

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